La littérature française aussi a son Sherlock Holmes. Comme lui, il est très intelligent, charmeur et un peu trop sûr de lui.

Sauf que, contrairement à son rival anglais, Arsène Lupin n’est pas détective mais cambrioleur (a burglar), gentleman-cambrioleur pour être précis !
Dans cet épisode, vous allez découvrir sa toute première aventure, publiée en 1905, qui se déroule lors d’un voyage en mer entre la France et les Etats-Unis.
Comme d’habitude, j’ai adapté le texte original pour le rendre plus facile à comprendre. Un bon moyen d’enrichir votre vocabulaire en découvrant un personnage célèbre de la littérature française !
Pour lire le texte original : Bibebook.com
Mes recommandations de lecture : Quels livres lire en français ?
You just need to create a free account.
If you like the podcast, leave a review on your favorite app to support us!
Transcription
You can translate any word or sentence in the transcript by selecting it. However, we encourage you to use this tool in moderation—relying on it too much might slow down your progress!
Salut à tous ! Bienvenue pour ce 58ème épisode. Comme promis la dernière fois, ça va être un épisode un peu différent puisque je vais vous lire une histoire. Et pas n’importe laquelle, celle du plus célèbre voleur français !
[00:00:28] Mais avant ça, j’aimerais vous dire quelques mots sur mon programme parce que j’ai reçu beaucoup d’emails à ce sujet dernièrement. Je vois que certains d’entre vous sont très motivés et qu’ils ont hâte de le commencer ! Donc sachez que les inscriptions vont ouvrir le lundi 28 janvier et qu’elles seront ouvertes pendant une semaine. Vous aurez une semaine pour vous inscrire. Ensuite, je fermerai à nouveau les inscriptions jusqu’à cet été, jusqu’au mois de juin je pense. D’ailleurs pour être sûrs de ne pas rater la période d’inscription, vous pouvez aller sur la page du cours sur innerfrench.com et laisser votre adresse email. Comme ça, vous recevrez un email le jour de l’ouverture des inscriptions.
[00:01:19] Si vous savez pas de quoi je suis en train de parler, il s’agit de mon cours Build a Strong Core pour aider les personnes qui ont un niveau intermédiaire à mieux comprendre le français. C’est un programme avec des leçons structurées en version vidéo et audio, un peu de grammaire et des exercices pour corriger les erreurs fréquentes plus un groupe Facebook privé pour rester motivé ! J’en ai déjà parlé en détails dans l’épisode 52, donc si vous voulez plus d’infos, je vous conseille de l’écouter ou d’aller sur mon site innerfrench.com.
[00:01:59] Aujourd’hui, comme je vous l’ai dit, c’est un épisode littéraire et ça tombe bien parce que j’ai reçu un enregistrement très poétique. C’est Adrienne qui me l’a envoyé et dedans elle récite un poème de Jacques Prévert qu’elle a appris par cœur. J’imagine que vous connaissez cette expression, « apprendre par cœur », c’est la même en anglais. Ça veut dire « apprendre quelque chose parfaitement et être capable de le réciter sans erreur ». Adrienne est anglaise et elle m’a écrit que faire cet exercice, ça l’aide beaucoup à améliorer sa prononciation. Donc si vous aussi, vous aimez la poésie, c’est vrai que ça peut être un bon entraînement. Si vous trouvez un poème que vous aimez, vous pouvez le chercher sur YouTube et normalement vous verrez une version audio avec un lecteur français.
[00:02:56] D’ailleurs, les poèmes de Jacques Prévert sont parfaits pour s’entraîner à mon avis. Jacques Prévert, c’est un poète du XXème siècle qui est très populaire en France. On apprend souvent ses poèmes à l’école parce qu’ils sont assez accessibles ; ils parlent de la vie quotidienne et ils contiennent beaucoup de jeu de mots. Son recueil le plus connu s’appelle Paroles. Et justement, le poème qu’a choisi Adrienne vient de ce recueil.
[00:03:27] Déjeuner du matin – Jacques Prévert
Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s’est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis son manteau de pluie
Parce qu’il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j’ai pris
Ma tête dans ma main
Et j’ai pleuré.
[00:04:27] Merci beaucoup Adrienne pour cet enregistrement ! Je suis sûr que ça va inspirer les auditeurs. D’ailleurs si vous voulez lire ce poème et la transcription complète du podcast, n’oubliez pas qu’ils sont disponibles gratuitement sur mon site.
[00:04:42] Et pour ceux qui cherchent des idées de lectures, j’ai publié une vidéo sur YouTube la semaine dernière avec des livres que je recommande pour apprendre le français. Il suffit de chercher « Quels livres lire en français » sur YouTube et vous allez la trouver. D’ailleurs j’en profite pour remercier tous ceux et toutes celles qui se sont abonnés à la chaîne innerFrench et qui laissent des commentaires sur YouTube. Ça me fait très plaisir donc merci beaucoup !
[00:05:17] Allez, on va passer à notre histoire.
[00:05:25] Alors je vous ai dit dans le titre de cet épisode que je vais vous présenter le Sherlock Holmes français. Il s’appelle Arsène Lupin. Il est apparu quelques années plus tard, au début du XXème siècle. Comme Sherlock Holmes, il est très intelligent, charmeur et un peu trop sûr de lui. Mais il y a quand même une grande différence entre les deux personnages parce qu’Arsène Lupin n’est pas détective mais voleur ! Un voleur, vous savez, c’est quelqu’un qui prend des choses qui ne sont pas à lui. Ça vient du verbe « voler ». Et quelqu’un qui vole des objets dans une maison, c’est un cambrioleur (qui vient du verbe « cambrioler »).
[00:06:10] Par exemple quand j’habitais à Londres pendant mes études avec des amis, dans le quartier de West Hampstead, on s’est fait cambrioler ! Le cambrioleur pensait que la maison était vide alors il a cassé la fenêtre et il est entré à l’intérieur. Mais ensuite il a vu qu’il y avait des gens dans la maison donc il s’est enfui. Il a juste eu le temps de voler l’ordinateur d’un de mes colocataires qui était dans le salon. C’était pas une expérience très agréable mais heureusement, il y a eu plus de peur que de mal.
[00:06:47] Bref, si je vous raconte ça, c’est parce que le surnom d’Arsène Lupin, c’est « le gentleman cambrioleur » (oui, on utilise aussi parfois le mot « gentleman » en français). Donc contrairement à Sherlock Holmes, c’est un héros criminel. Justement en 1906, l’auteur d’Arsène Lupin, Maurice Leblanc, a écrit une aventure qui oppose son héros au célèbre détective anglais. Mais pour des raisons de droits d’auteur, il l’a appelé « Herlock Sholmès » au lieu de « Sherlock Holmes ». Le titre, c’est Arsène Lupin contre Herlock Sholmès et c’est assez drôle !
[00:07:32] Donc maintenant, je vais vous lire la toute 1ère aventure d’Arsène Lupin publiée en 1905 qui s’intitule : Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur. Elle se passe dans un transatlantique, autrement dit un bateau qui traversait l’océan atlantique pour voyager entre la France et les Etats-Unis. Oui car à l’époque de cette histoire, les compagnies aériennes n’existaient pas encore donc il fallait prendre le bateau.
[00:08:03] Comme d’habitude, j’ai un peu modifié le texte original pour le rendre plus facile à comprendre. Par exemple j’ai remplacé le passé simple par le passé composé et j’ai choisi des expressions et des mots de vocabulaire plus actuels. J’aimerais bien pouvoir vous lire des romans plus récents mais c’est illégal parce qu’ils sont protégés par des droits d’auteur. Et moi, je suis pas comme Arsène Lupin, j’essaye de rester dans la légalité ! C’est pour ça que je dois choisir des livres plus anciens qui sont dans le domaine public. D’ailleurs, si vous voulez lire le texte original après avoir écouté cet épisode, il est disponible gratuitement sur internet. Je vais mettre un lien dans la description et vous verrez que sur ce site il y a plein d’autres œuvres du domaine public.
[00:08:55] Alors je sais que les épisodes avec une histoire sont un peu plus difficiles à comprendre que quand c’est moi qui vous parle d’un sujet. Mais comme je vous le répète toujours : il faut sortir de sa zone de confort ! Donc accrochez-vous, écoutez l’épisode plusieurs fois et ensuite lisez la transcription si vous en avez besoin.
[00:09:20] Allez, sans plus attendre, place au gentleman cambrioleur !
[00:09:31] Quel étrange voyage ! Pourtant il avait si bien commencé ! La Provence est un transatlantique rapide et confortable. La haute société y était réunie. Des relations se formaient, des divertissements s’organisaient.
[00:09:50] Nous avions cette impression exquise d’être séparés du monde, comme sur une île déserte, obligés par conséquent, de nous rapprocher les uns des autres.
Et nous nous rapprochions…
[00:10:04] N’avez-vous jamais pensé à ce qu’il y a d’original et d’imprévu dans ce genre de situations ? Des personnes qui, la veille encore, ne se connaissaient pas, et qui, durant quelques jours, entre le ciel infini et la mer immense, vont partager leur intimité et défier les colères de l’Océan.
[00:10:25] Au fond, c’est comme une version raccourcie et tragique de la vie, avec ses orages et ses grandeurs, sa monotonie et sa diversité. Voilà pourquoi, les gens aiment tellement ce voyage qui est aussi intense que court.
[00:10:40] Mais, depuis plusieurs années, il n’est plus exactement le même. Quelque chose a changé. Le bateau n’est plus seul, isolé en mer. Un lien subsiste grâce au télégraphe sans fil ! Avec cette invention, les passagers continuent de recevoir des messages, même en plein milieu de l’océan !
[00:11:00] Justement, le second jour du voyage, à huit cent kilomètres des côtes françaises, par un après-midi orageux, le télégraphe sans fil a transmis ce message à l’équipage du bateau :
[00:11:14] « Arsène Lupin à votre bord, première classe, cheveux blonds, blessure au bras droit, voyage seul, sous le nom de R… »
[00:11:25] À ce moment précis, un coup de tonnerre violent a éclaté dans le ciel sombre. Les ondes électriques ont été interrompues et l’équipage n’a pas reçu le reste du message. Il connaissait donc seulement l’initiale du nom sous lequel se cachait Arsène Lupin.
[00:11:43] Rapidement, la nouvelle s’est propagée parmi les passagers. Nous savions tous que le fameux Arsène Lupin se cachait parmi nous.
[00:11:50] Arsène Lupin parmi nous ! L’insaisissable cambrioleur dont on racontait les exploits dans tous les journaux depuis des mois ! L’énigmatique personnage avec qui le vieux Ganimard, notre meilleur policier, avait engagé ce duel à mort ! Arsène Lupin, le fantaisiste gentleman qui n’opère que dans les châteaux et les salons. Arsène Lupin, l’homme aux mille déguisements : tour à tour chauffeur, ténor, adolescent, vieillard, employé de bureau, médecin russe, torero espagnol !
[00:12:26] Imaginez la situation : Arsène Lupin allant et venant dans la 1ère classe d’un transatlantique, dans cette salle à manger, dans ce salon, dans ce fumoir ! Arsène Lupin, c’était peut-être ce monsieur… ou celui-là… mon voisin de table… mon compagnon de cabine…
[00:12:48] — Et cela va durer encore cinq jours ! a dit miss Nelly Underdown, mais c’est intolérable ! J’espère bien qu’on va l’arrêter.
Et s’adressant à moi :
— Voyons, vous, monsieur d’Andrézy, qui connaissez bien le commandant du bateau, vous ne savez rien ?
[00:13:06] J’aurais bien voulu savoir quelque chose pour plaire à miss Nelly !
C’était une de ces femmes magnifiques qui, partout où elles sont, attirent toute l’attention. Elle était aussi belle que riche et avait beaucoup d’admirateurs. Élevée à Paris par une mère française, elle rejoignait son père, le richissime Underdown, de Chicago. Une de ses amies, lady Jerland, l’accompagnait.
Dès la première heure du voyage, j’avais essayé de me rapprocher d’elle. Mais son charme m’avait troublé, et je me sentais un peu trop ému pour flirter quand ses grands yeux noirs rencontraient les miens. Cependant, elle accueillait mes avances avec une certaine faveur. Elle riait à mes plaisanteries et s’intéressait à mes anecdotes.
[00:13:56] Il y avait un seul rival qui m’inquiétait. Un assez beau garçon, élégant, réservé, dont elle paraissait quelquefois préférer l’humeur introvertie à mon extraversion de Parisien.
Il faisait justement partie du groupe d’admirateurs qui entourait miss Nelly, quand elle m’a posé la question.
Alors, je lui ai répondu :
— Je ne sais rien de précis, mademoiselle, mais peut-être pouvons-nous mener notre propre enquête, tout aussi bien que le ferait le vieux Ganimard, l’ennemi personnel d’Arsène Lupin ?
— Vous vous avancez beaucoup monsieur !
— Et pourquoi donc ? Le problème est-il si compliqué ?
— Très compliqué.
— C’est que vous oubliez les éléments que nous avons pour le résoudre.
— Quels éléments ?
— N°1 : Lupin se fait appeler monsieur R…
— C’est un peu vague.
— N°2 : Il voyage seul.
— Cette particularité vous suffit ?
— N°3 : Il est blond.
— Et alors ?
— Alors il suffit de regarder la liste des passagers et de procéder par élimination.
[00:15:05] J’avais cette liste dans ma poche. Je l’ai prise et j’ai commencé à la lire.
— Je note d’abord qu’il n’y a que 13 personnes dont l’initiale est « R ».
— 13 seulement ?
— En première classe, oui. Sur ces 13 messieurs R…, 9 sont accompagnés de femmes, d’enfants ou de domestiques. Il reste donc 4 hommes isolés : le marquis de Raverdan…
— Secrétaire d’ambassade, a répondu miss Nelly, je le connais.
— Le major Rawson…
— C’est mon oncle, a dit quelqu’un.
— M. Rivolta…
— Présent, a dit l’un de nous, un Italien très brun.
Miss Nelly a éclaté de rire.
— Vous n’êtes pas vraiment blond…
J’ai repris la parole :
— Alors, nous sommes obligés de conclure que le coupable est le dernier de la liste.
— C’est-à-dire ?
— C’est-à-dire M. Rozaine. Quelqu’un connaît-il M. Rozaine ?
Personne n’a répondu. Mais miss Nelly, a interpellé le jeune homme taciturne qui était à côté d’elle :
— Eh bien, monsieur Rozaine, vous ne répondez pas ?
[00:16:13] Tout le monde a tourné les yeux vers lui. Il était blond.
J’ai senti un petit choc au fond de moi. C’était absurde car ce monsieur ne semblait pas du tout suspect. Il a répondu :
— Pourquoi je ne réponds pas ? Mais parce que vu mon nom, ma qualité de voyageur isolé et la couleur de mes cheveux, j’ai fait l’enquête moi aussi et que je suis arrivé à la même conclusion. Il faut donc qu’on m’arrête.
Il avait un air bizarre en prononçant ces paroles, mais on voyait qu’il plaisantait.
Miss Nelly a demandé naïvement :
— Mais vous n’avez pas de blessure ?
— C’est vrai, a-t-il répondu, la blessure manque.
[00:16:53] D’un geste nerveux il a relevé sa manche pour nous montrer son bras. Mais aussitôt, une idée m’a frappé. Mes yeux ont croisé ceux de miss Nelly : il avait montré le bras gauche, pas le bras droit.
[00:17:08] Mais avant que je fasse la remarque, un incident a détourné notre attention. Lady Jerland, l’amie de miss Nelly, arrivait en courant.
Elle était bouleversée.
— Mes bijoux, mes perles !… on m’a tout volé !…
Mais non, le voleur n’avait pas tout pris. Plus tard, nous avons appris une chose encore plus bizarre : le voleur avait choisi !
Il avait seulement volé les pierres les plus fines, les plus précieuses, celles qui avaient le plus de valeur et qui prenaient le moins de place.
[00:17:41] Et pour exécuter ce travail pendant l’heure où lady Jerland prenait le thé, le voleur avait dû, en plein jour, et dans un couloir fréquenté, fracturer la porte de la cabine, trouver un petit sac au fond d’un carton à chapeau, l’ouvrir et choisir !
Il n’y avait qu’une seule personne capable de commettre un tel vol : Arsène Lupin.
[00:18:05] Au dîner, personne ne s’est assis à côté de monsieur Rozaine ; à droite et à gauche, les deux places sont restées vides. Et le soir on a appris qu’il avait été convoqué par le commandant.
[00:18:25] Son arrestation a été un véritable soulagement. On respirait enfin. Ce soir-là nous avons fait la fête et dansé.
Miss Nelly, surtout, avait l’air très heureuse. Elle ne semblait pas du tout affectée par l’arrestation de son admirateur. Vers minuit, au clair de lune, je lui ai déclaré mes sentiments et sa réaction m’a paru positive.
[00:18:50] Mais le lendemain, à la stupeur générale, on a appris que, comme les charges relevées contre lui n’étaient pas suffisantes, Rozaine avait été libéré.
Il n’avait aucune blessure au bras et ses papiers d’identité étaient en règle. En plus, il avait été vu se promenant sur le pont à l’heure où le vol avait été commis.
[00:19:11] Mais certains passagers restaient sceptiques. Qui, sauf Rozaine, voyageait seul, était blond, et portait un nom commençant par R ? Qui le télégramme désignait-il, si ce n’était Rozaine ?
[00:19:27] D’ailleurs, quand Rozaine, quelques minutes avant le déjeuner, est venu vers notre groupe, miss Nelly et lady Jerland se sont levées et sont parties. C’était bel et bien de la peur.
[00:19:41] Une heure plus tard, une note circulait parmi l’équipage et les passagers : M. Louis Rozaine promettait une somme de dix mille francs à la personne qui trouverait Arsène Lupin.
— Et si personne ne me vient en aide contre ce voleur, a déclaré Rozaine au commandant, moi, je m’occuperai de lui !
[00:20:01] Rozaine contre Arsène Lupin, ou plutôt, disaient certains passagers, Arsène Lupin lui-même contre Arsène Lupin ! Le combat sera intéressant !
[00:20:11] Pendant les deux journées suivantes, on voyait Rozaine chercher partout et interroger tout le monde.
De son côté, le commandant faisait aussi son maximum : inspection de toutes les cabines et de nombreuses perquisitions.
— On finira bien par découvrir quelque chose, n’est-ce pas ? me demandait miss Nelly. Même Arsène Lupin ne peut pas rendre des diamants et des perles invisibles.
— Mais si, lui ai-je répondu, ou alors il faudrait fouiller nos vêtements et toutes nos affaires. Regardez, même dans mon appareil photo, ne pensez-vous pas qu’il y aurait assez de place pour toutes les pierres précieuses de lady Jerland ?
— Mais cependant j’ai entendu dire qu’il n’y a aucun voleur qui ne laisse derrière lui un indice ou une trace.
— Il y en a un : Arsène Lupin.
— Pourquoi ?
— Pourquoi ? parce qu’il ne pense pas seulement au vol qu’il commet, mais à toutes les circonstances qui pourraient le dénoncer.
— Au début, vous étiez plus confiant.
— Mais depuis, je l’ai vu à l’œuvre.
— Et alors, selon vous ?
— Selon moi, on perd notre temps.
[00:21:22] Mais l’avant-dernière nuit, un membre de l’équipage a entendu des bruits à l’avant du bateau. Il s’est approché. Un homme était allongé par terre, la tête enveloppée dans une écharpe et les poignets attachés.
On l’a libéré de ses liens et on a découvert que cet homme, c’était Rozaine.
[00:21:46] Il avait été attaqué par Arsène Lupin qui lui avait volé son portefeuille et avait laissé sa carte de visite sur lui.
[00:21:55] Naturellement, on a accusé le malheureux d’avoir simulé cette attaque contre lui-même. Mais il était impossible qu’il se soit attaché de cette manière et l’écriture sur la carte de visite était complètement différente de celle de Rozaine.
Cela prouvait donc que Rozaine ne pouvait pas être Arsène Lupin.
[00:22:16] Ça a été la terreur. Les passagers avaient très peur et restaient groupés entre eux. Ils se méfiaient aussi les uns des autres. Arsène Lupin maintenant c’était… c’était tout le monde. Notre imagination surexcitée lui attribuait un pouvoir magique. On le supposait capable de se déguiser en n’importe qui !
[00:22:38] Aussi, le dernier jour semblait interminable. On vivait dans l’attente anxieuse d’un malheur. Cette fois, ce ne serait plus un vol, ce ne serait plus une simple agression, ce serait le crime, le meurtre. On était sûr qu’Arsène Lupin n’allait pas s’arrêter là. On savait qu’il était capable de tout et que personne ne pouvait le stopper.
[00:23:00] Par contre, moi je passais un très bon moment en compagnie de miss Nelly qui m’avait accordé sa confiance. Impressionnée par tant d’événements, de nature déjà inquiète, elle cherchait à mes côtés une protection, une sécurité que j’étais heureux de lui offrir. Grâce à Arsène Lupin, nous nous rapprochions.
[00:23:22] Je commençais à rêver d’amour et peut-être de mariage avec Miss Nelly. Et je sentais qu’elle n’était pas complètement opposée à ces idées. La douceur de sa voix me permettait d’espérer.
[00:23:36] On voyait les côtes américaines qui commençaient à apparaître devant nous. On attendait. Tout le monde attendait le moment où on trouverait enfin la solution de ce mystère. Qui était Arsène Lupin ? Sous quel nom, sous quel masque se cachait-il ?
[00:23:58] J’ai dit à ma compagne :
— Comme vous êtes pâle, miss Nelly.
— Et vous ! m’a-t-elle répondu, vous êtes si changé !
— Évidemment ! Cette minute est passionnante, et je suis heureux de la vivre auprès de vous, miss Nelly.
Elle ne m’écoutait pas, elle semblait fiévreuse. Le bateau est arrivé au port. Mais avant que les passagers ne puissent descendre, des gens sont montés à bord : des douaniers et des policiers.
Miss Nelly a dit :
— Peut-être qu’Arsène Lupin s’est échappé pendant le voyage, ça ne me surprendrait pas.
— Oui, il a peut-être préféré la mort au déshonneur et a plongé dans l’Atlantique plutôt que d’être arrêté.
[00:24:41] Soudain, j’ai commencé à trembler. Et, comme elle me demandait ce qui n’allait pas, je lui ai dit :
— Vous voyez ce vieux monsieur là-bas ?
— Avec un parapluie et une veste verte ?
— C’est Ganimard.
— Ganimard ?
— Oui, le célèbre policier, celui qui a juré qu’Arsène Lupin serait arrêté de sa propre main.
— Alors, vous pensez qu’il va le démasquer ?
— Qui sait ? Il paraît que Ganimard ne l’a jamais vu, seulement déguisé. À moins qu’il ne connaisse le nom qu’Arsène Lupin a utilisé sur le bateau…
— Ah ! a-t-elle répondu, j’espère que je pourrai assister à l’arrestation !
— Patientons. Je suis sûr qu’Arsène Lupin a déjà remarqué la présence de son ennemi. Il va préférer sortir parmi les derniers passagers, quand l’œil de Ganimard sera fatigué.
[00:25:34] Le débarquement a commencé. Appuyé sur son parapluie, l’air indifférent, Ganimard ne semblait pas prêter attention à la foule qui descendait. Un policier à côté de lui lui disait le nom des passagers qui passaient devant eux.
[00:25:49] Le marquis de Raverdan, le major Rawson, l’Italien Rivolta sont passés, et d’autres, beaucoup d’autres… Et j’ai vu Rozaine qui s’approchait. Le pauvre ! Il semblait toujours être en état de choc !
— C’est peut-être lui quand même, m’a dit miss Nelly…Qu’en pensez-vous ?
— Je pense qu’il serait très intéressant d’avoir sur une même photo Ganimard et Rozaine. Prenez donc mon appareil, je suis si chargé.
[00:26:18] Je le lui ai donné, mais trop tard pour qu’elle puisse l’utiliser. Rozaine a quitté le bateau sans problème.
— Mais alors, mon Dieu, qui est Arsène Lupin ? s’est exclamée Miss Nelly.
Il n’y avait plus qu’une vingtaine de personnes. Elle les observait une par une en se demandant laquelle était Arsène Lupin.
[00:26:38] Je lui ai dit :
— Nous ne pouvons pas attendre plus longtemps.
Elle s’est avancée. Je l’ai suivie. Mais Ganimard nous a barré le passage.
— Eh bien, quoi ? ai-je dit.
— Un instant, monsieur, a répondu Ganimard.
— J’accompagne mademoiselle.
— Un instant, a-t-il répété.
Il m’a regardé profondément, puis il m’a dit, les yeux dans les yeux :
— Arsène Lupin, n’est-ce pas ?
Je me suis mis à rire.
— Non, Bernard d’Andrézy, tout simplement.
— Bernard d’Andrézy est mort il y a trois ans en Macédoine.
— Si Bernard d’Andrézy était mort, je ne serais pas ici. Voici mes papiers.
— Ce sont bien ses papiers. Mais je sais que vous n’êtes pas Bernard d’Andrézy et je vais découvrir comment vous les avez obtenus.
— Mais vous êtes fou ! Arsène Lupin a pris le bateau avec un nom qui commence par R.
— Oui, encore un de vos trucs, une fausse piste ! Ah vous êtes doué mon vieux. Mais cette fois, la chance a tourné. Voyons, Lupin, tu es démasqué.
[00:27:42] J’ai hésité une seconde. Au même moment, Ganimard m’a frappé sur le bras droit. J’ai poussé un cri de douleur. Il m’avait frappé sur la blessure encore mal cicatrisée que signalait le télégramme.
[00:27:55] Bon, je devais abandonner. Je me suis tourné vers miss Nelly. Elle écoutait et elle était très pâle.
[00:28:03] Son regard a rencontré le mien, puis elle a regardé l’appareil photo que je lui avais donné. J’ai vu qu’elle venait de tout comprendre. Oui, c’était dans cet appareil que j’avais caché les perles et les diamants de Lady Jerland et l’argent de Rozaine.
[00:28:21] Je jure qu’à cet instant, j’étais indifférent à ce qui m’arrivait, à Ganimard, à l’arrestation, à l’hostilité des autres passagers. Tout ce qui comptait à mes yeux était ce que Miss Nelly allait décider de faire de mon appareil photo. Si elle décidait de le donner à Ganimard, il aurait la preuve inéluctable de mes crimes.
[00:28:41] Est-ce qu’elle allait me trahir ? Est-ce qu’elle allait agir en ennemie qui ne pardonne pas, ou bien en femme indulgente ?
[00:28:51] Elle est passée devant moi, et au moment de quitter le bateau, elle a laissé tomber discrètement l’appareil photo dans la mer. Puis elle est partie et elle a disparu dans la foule.
[00:29:05] Je restais immobile, à la fois triste et heureux. Dommage que je ne sois pas un honnête homme.
[00:29:17] C’est comme ça qu’un soir d’hiver, Arsène Lupin m’a raconté l’histoire de son arrestation. Le hasard de la vie avait fait que nous étions devenus amis. C’est par amitié qu’il vient parfois chez moi à l’improviste avec sa bonne humeur.
[00:29:32] Son portrait ? Comment pourrais-je le faire ? Vingt fois j’ai vu Arsène Lupin, et vingt fois, c’était une personne différente qui m’est apparue…
— Moi-même, m’a-t-il dit, je ne sais plus vraiment qui je suis. Dans un miroir, je ne me reconnais plus. Pourquoi aurais-je une apparence définie ? Pourquoi ne pas éviter ce danger d’une personnalité toujours identique ? Mes actes me désignent suffisamment.
[00:29:57] Et il précise, avec une pointe d’orgueil :
— Tant mieux si l’on ne peut jamais dire avec certitude : voici Arsène Lupin. L’essentiel, c’est qu’on puisse dire sans se tromper : Arsène Lupin a fait ça.
[00:30:18] Voilà, c’est la fin de cette histoire. J’espère qu’elle vous a plu ! Merci de m’avoir écouté, on se retrouve dans deux semaines et d’ici là, n’oubliez pas de faire un peu de français tous les jours. À bientôt !
Commentaires
-
je ne sais pas comment, mais, c’est très difficile pour moi de comprendre même en lisant
-
Encore des histoires, SVP! Ce podcast était vraiment excellent!
-
Excelent, superbe, c’était extra. Ta façon de raconter est très captivante et on reste collé à écouter l’histoire jusq’au bout.
Je me souviens d’une série française qui a passé à la télévision portugaise au début des années 80 avec le nom justement d’Arsène Lupin. J’étais très jeune mais je l’ai aimée beaucoup, je voyais tous les épisodes et c’est resté dans ma tête. La musique de cette série était interprétée par jacques Dutronc (monsieur cambrioleur).C’est comme ça que j’ai fait connaissance d’Arsène Lupin. J’espére que tu nous racontes plus d’histoires dans d’autres épisodes.
Excellent travail, Hugo. -
Merci beaucoup Hugo, cètait très intéressant, j’adore vos podcasts 👌👌👌👌
-
Merci beaucoup, Hugo, pour cet épisode. C’est très intéressant et j’adore les histoires de Sherlock Holmes. Depuis ce podcast, j’aime aussi Arsène Lupin.
-
Correction…je viens de lire ” Cet Amour” un poème par
Jacques Prévert. -
Je viens de lire ” Cet Amour” par un poème par Jacques Prévert. C’est une oeuvre plein d’émotions qui m’a beaucoup touchée. Maintenant je veux lire des autres poèmes par cet écrivain très apprécié par les Français. Je l’ai lu en anglais aussi pour mieux comprendre quelques mots et expressions.
J’ai trouvé sa belle chanson, “Pour toi mon amour”. Je l’ai écoutée sur YouTube. Encore une oeuvre plein d’émotions. Un grand merci à toi et à Adrienne d’avoir partagé les œuvres de Jacques Prévert avec nous.❤️
-
Cette histoire a ete tres interessante. Normalmente, J’ecoute le podcast pour quinze minutes, mais cette fois, Je l’ai ecoute jusqu’a la fin. Excellent travail, Hugo.
-
Je suis de retour ! Les histoires que tu racontes, sont mes épisodes préfères. Le poème de Jacques Prévert que Adrienne a récit au début de cet épisode m’a plu àussi. Je voudrais mieux connaître tous ses poèmes.
Maurice Leblanc est un écrivain génial qui a créé ce personnage si captivant., Arsène Lupin. Il est un cambrioleur très talentueux et à la même fois séduisant. Je crois qu’il est vraiment tombé amoureux de la belle Miss Nelly. Il devait choisir entre son amour pour Miss Nelly et la carrière qu’il aimait beaucoup. Il ne pouvait pas abandonné sa grande passion, sa vie de cambriolage. Il voulait rester le cambrioleur le plus connu du monde. J’ai hâte de mieux connaître les œuvres de Maurice Leblanc.
Sans doute je vais relire cet épisode encore plusieurs fois ! Merci Hugo…Raconte nous plus d’histoires!? -
J’ai déjà lu cette histoire plusieurs fois. Elle m’a plu énormément. J’ai laissé un commentaire aussi. Arsène Lupin était vraiment intelligent. Il était un cambrioleur très doué pour le ” métier” qu’il a choisi. Il pouvait se déguiser en n’importe qui et il ne volalt que les bijoux les plus précieux . Je crois qu’il est tombé amoureux de la belle Miss Nelly, mais il n’était pas prêt à quitter le cambriolage pour devenir un honnête homme et se marier avec 4lle. Dommage ! Je voudrais lire tous les œuvres de Maurice Leblanc.
Le poème de Jacques Prévert m’a plu aussi. Je voudrais mieux connaître ses poèmes grâce à la récitation d’Adrienne. Alors, deux commentaires sur deux écrivains superbes. Je crois que ça suffira !.
Un grand merci à Hugo, un narrateur par excellence !? -
Grâce à cet épisode j’ai fait la connaissance de deux écrivains français qui m’ont plu beaucoup, Jacques Prévert et Maurice Leblanc. J’aime le poème “Déjeuner du matin”, et Adrienne l’a récité par cœur. Je voudrais lire et peut être apprendre par cœur ses poèmes aussi.
Maurice Leblanc est un écrivain génial. Tu es un narrateur par excellence, Hugo. J’espère que tu nous raconteras plus d’histoires de ce genre. Je trouve Arsène Lupin très attirant, ce charmeur très intelligent.
Je pourrais tomber amoureuse de lui aussi. C’est vraiment dommage qu’il ne puisse pas quitter sa vie malhonnête pour se marier avec la belle Miss Nelly. Je vais lire d’autres épisodes par Maurice Leblanc.
Un grand merci à toi, Hugo, pour cet épisode formidable. -
Merci pour mon
découvert d’Arsène Lupin est Jaques Prévert est toujours génial ! -
J’ai adoré l’histoire!
-
C’est un Super épisode, comme d’habitude. Tu m’as donné envie de lire l’œuvre original. Il y a quelques années, j’ai lit Sherlock Holmes, et je peux voir les similarités entre les deux personnages. Plus, J’aime le poème que Adrianne a récité dans l’épisode. Elle m’a donné envie d’apprendre les poèmes de Jacques Prévert par cœur, moi aussi.
-
Merci Hugo.

Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.